Sur le lutrin : le Papalagui

« Le Papalagui habite comme la moule de mer dans une coquille dure… Il y a des pierres autour de lui, à côté de lui et sur lui…

On se glisse dans la coquille de pierre et on en sort par un seul endroit. Le Papalagui appelle cet endroit « l’entrée » quand il rentre dans la hutte, « la sortie » quand il en sort ; quoique l’une et l’autre reviennent absolument au même…

Le plupart des huttes sont habitées par un plus grand nombre de personnes qu’il n’y en a dans un seul village de Samoa.  Il faut de ce fait savoir exactement le nom de l’aïga (famille) à laquelle on veut rendre visite… une aïga ne sait souvent rien, mais vraiment rien de l’autre, comme s’il y avait entre elles Manono, Savaïi, et de nombreuses mers… et quand elles se rencontrent en se glissant dans le gîte, elles ne se saluent qu’à contrecœur ou grommellent tels des insectes hostiles, comme si elles étaient fâchées d’être contraintes de vivre l’une près de l’autre. »

E. Scheurmann, Le Papalagui, édition Aubier Flammarion 1981

Le Papalagui est le titre d’un ouvrage de Erich Scheurmann paru en allemand en 1920. Papalagui dans la langue des îles Samoa désigne l’homme blanc. Lors d’un séjour à Samoa l’auteur rencontre Touiavii un chef de tribu de Tiavea. Le chef qui revient d’un voyage en Europe porte un regard critique sur le mode de vie des Occidentaux. Erich Scheurmann décide de recueillir les discours que Touiavii adresse aux siens pour leur expliquer ce qu’il a vu là-bas. Le livre rapporte ce témoignage du chef qui s’exprime en des termes et avec des comparaisons que les membres de sa tribu puissent comprendre. C’est souvent très drôle et pertinent. Erich Scheurmann précise qu’il n’a pas demander l’autorisation de Touiavii pour publier ses discours. L’œuvre connu immédiatement un très grand succès. Elle a été depuis traduite dans de nombreuses langues. La première version française est sortie des presses en 1980. J’ai acheté mon exemplaire en 1981, c’était déjà une réédition ! Depuis les éditions se sont succédées sans discontinuer. L’ouvrage est toujours disponible à ce jour, soit presque cent ans après sa première publication !

Je ne sais plus combien de fois j’ai lu et relu ce petit livre délectable ! La première fois il m’a beaucoup fait rire . Je l’ai encore remis sur mon chevet ces jours-ci. Il me laisse pourtant un sentiment étrange 🤔. Une sorte de doute sur l’authenticité du témoignage. Des passages un peu trop attendus, des petits riens qui disent : ça c’est ce que pourrait dire un occidental voulant critiquer ses contemporains, mais pas vraiment un polynésien… Et puis les propos de l’auteur, Erich Scheurmann, qui écrit dans son introduction « … il vaut la peine pour nous, hommes blancs éclairés, de prendre connaissance de la manière dont un homme encore très lié à la nature nous voit, nous et notre culture ». Si l’on s’intéresse un peu au parcours de Scheurmann, on apprend qu’il était partisan du Lebensreform, un mouvement social au début du XXe siècle en Allemagne qui promouvait un style de vie simple, la libération sexuelle et le respect de la nature. Sa rencontre avec Touiavii tombait vraiment bien ! Pourtant malgré toutes mes recherches je ne parvenais pas à trouver de réponse à mon interrogation. Les éditeurs, les librairies, les critiques littéraires, les descriptifs de vente en ligne.. tous parlent du livre comme d’un document véridique. Il est devenu un quasi manifeste de l’écologie pour beaucoup. On en a même fait une pièce de théâtre dont on donne encore actuellement des représentations. Sauf erreur il est également dans les programmes scolaires en Allemagne !

Cependant à force d’obstination et de curiosité j’ai obtenu ma réponse il y a peu ! Il m’aura fallu attendre seulement quarante ans 🤭 !! En premier lieu j’ai appris l’existence des travaux de Horst Cain, un ethnologue allemand spécialiste de la langue samoane. Il a étudié de très près le document en 1987. Sa conclusion est catégorique : il y a de très nombreuses incohérences et Scheuermann a très certainement imaginé Le Papalagui pour critiquer de manière détournée la société allemande de son époque. Ensuite il y a un article de Valérie Pérez, professeur agrégée et docteur en philosophie. Cet article à fait l’objet d’une conférence. Vous pouvez le retrouver en cliquant sur le bouton :

Je ne vais pas reprendre ici toute sa démonstration. Il s’agit d’un travail assez savant difficile à résumer en quelques lignes. Il reste toutefois très accessible et vous pourrez le lire sans difficulté. L’article n’étudie pas uniquement le Papalagui, mais également les récits de voyages dans la littérature. C’est vraiment passionnant. Pour ce qui nous concerne ici et pour faire vite et simple, Valérie Pérez démontre brillamment que le recueil est une imposture.

Il s’agit donc bien d’une fable. Mon intuition était juste ! Cela ne fait rien 🤷‍♂️. L’ouvrage mérite d’être encore lu. Il reste d’une extraordinaire actualité, presque visionnaire.

« le Papalagui a inventé un objet qui compte le temps ; depuis il court sans cesse derrière… »

E. Scheurmann, Le Papalagui, édition Aubier Flammarion 1981

Papier recyclé fait maison

Bonjour à toutes et à tous ! Je voue depuis longtemps une passion pour le papier. Il se coupe, se plie, se colle, se peint, se froisse…  C’est un support fantastique pour les artistes. Il en existe une multitude de variétés : papier à dessin, à lettre, calque, crépon, Kraft, buvard, filtre… Et pour tous les usages : imprimerie, monnaie, ponçage (papier de verre), décoration, emballage, peinture et dessin, écriture, serviettes, mouchoirs… certains l’utilisent même, sous forme de carton ondulé, pour fabriquer des meubles au design inégalable. C’est une matière aux possibilités infinies. Je l’emploie pour toutes sortes d’activités créatives, et c’est donc assez naturellement que m’est venue l’idée d’en fabriquer. Le procédé est simple, très artisanal, mais demande un certain coup de main. J’utilise de vieux journaux et magazines…

Je n’ai eu aucune difficulté pour fabriquer le matériel.

L’outillage est simple et je n’ai eu aucune difficulté pour le fabriquer : un cadre avec une toile fine (moustiquaire…) pour former un tamis, des planchettes, des morceaux de toile pour recueillir le papier et le débarrasser de son eau en le mettant sous presse (entre deux planches et des poids), un fil à linge pour le séchage… Il faut également un bac assez grand pour recevoir le tamis. Évidemment avec un tel matériel le résultat n’est pas du tout calibré. Les épaisseurs, les teintes, la texture sont variables. C’est justement ce qui me plaît. Il n’y a pas de certitude sur le résultat final. Chaque feuille est unique.

papier artisanal
feuilles presque blanches
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